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La laïcité garantit-elle l’égalité femmes/hommes ?

Un rapport sénatorial publié le 3 novembre 2016 présente des analyses intéressantes sur le lien entre laïcité et droits des femmes :

  • « La laïcité n’est pas, en elle-même, porteuse de libération pour les femmes »
    Lorsque la loi de séparation de l’Église et de l’État a été adoptée en 1905, les hommes à l’origine de ce texte étaient inquiets de l’influence de l’Église sur les femmes, ce qui a d’ailleurs longtemps été un argument pour ne pas leur accorder le droit de vote.
  • « Le principe de laïcité, par la multiplicité de ses acceptions, ne suffit pas en soi à garantir l’égalité entre les femmes et les hommes ».
    Le rapport souligne à plusieurs reprises que des adjectifs sont souvent accolés au mot laïcité « ouverte », « fermée », et limitent l’analyse proposée.
  • « L’égalité est un barrage contre les extrémismes », au sens où « c’est par le renforcement de l’égalité, à tous les niveaux, que l’on peut faire obstacle aux extrémismes qui menacent les droits des femmes et tout notre “vivre ensemble” ».
  • La mixité est un enjeu majeur. Dès son introduction, le rapport indique que « le débat sur le fait religieux dans notre pays s’est progressivement étendu aux thèmes de la mixité et de l’égalité entre femmes et hommes ».

Le travail de la délégation présente l’originalité d’avoir réuni des personnes d’horizons variés – des chercheurs, mais aussi des théologiennes, biblistes, ministres du culte, des représentantes de la libre-pensée et de la Grande loge féminine de France – quand bien même leurs points de vue ne représentent pas la position des institutions. Le rapport met ainsi en avant des travaux de réinterprétation des textes sacrés et des mouvements associatifs favorables à plus de mixité, notamment au sein des mosquées. Ces divers témoignages permettent de bien comprendre qu’il existe, au sein des traditions religieuses même, des lectures plus favorables à une meilleure inclusion des femmes, au sein des clergés par exemple.

Un travail original, mais des références parfois anciennes

Sans vouloir faire preuve d’une « dramatisation excessive », les auteurs du rapport notent que « des observations de terrain font état d’évolutions inquiétantes pour l’avenir de la mixité, dans notre pays ». Petites filles découragées de pratiquer des activités sportives, invisibilité des femmes dans l’espace public de certains quartiers, demandes d’horaires séparés à la piscine ou de médecins femmes lors de consultations médicales, sont autant de sujets alarmants aux yeux membres de la délégation qui précisent :

« Toutes ces demandes ne tiennent pas à des préoccupations d’ordre religieux. […] Certaines en revanche sont formulées pour des motifs que l’on peut qualifier de culturels ou de religieux. Elles sont contestables car elles portent atteinte à l’égalité entre femmes et hommes et au principe de mixité qui sous-tend notre projet de société. Elles contribuent de surcroît à limiter de manière injustifiée la liberté des autres usagers ».

Si ces craintes sont justifiées, on pourra regretter que les sources citées soient parfois un peu datées, dans le cas du rapport dit Obin de 2004, et que d’autres ne soient pas mobilisées – concernant le port du voile à l’université, les auteurs du rapport citent un document polémique du Haut Conseil à l’Intégration (HCI) de 2013, quand une enquête de l’Observatoire de la laïcité auprès d’acteurs de terrain datée de 2015 indique que ceux-ci ne sont pas favorables à une éventuelle évolution législative. D’autre part, le rapport fait une large place à des polémiques et à des références ou des exemples venus de l’étranger sans nécessairement faire le lien avec des pratiques effectives en France.

Certaines propositions, bien qu’indirectement liées à la laïcité, sont assez inédites, comme l’inscription au Code pénal du « délit d’agissement sexiste », qui ne figure aujourd’hui que dans le Code du travail. D’autres, à l’instar de l’interdiction des signes religieux pour les candidats à des concours de la fonction publique ou l’extension de la neutralité au sein des conseils municipaux, semblent difficiles à mettre en place et entrent en contradiction avec l’état de la législation actuelle.. La laïcité garantit-elle l’égalité femmes/hommes ? Début novembre, le Sénat adoptait un rapport d’information faisant le point sur la laïcité et les droits des femmes. La délégation à l’origine du document était présidée par Chantal Jouanno, sénatrice UDI de Paris et ex-ministre des sports.

Lire le rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat « La laïcité garantit-elle l’égalité femmes-hommes ? »