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Religions et “fake news” perturbent les élections

L’Indonésie est le pays du monde qui compte le plus de musulmans. Un recensement de 2010 indique que dans cet archipel, sur 265 millions d’habitants, 86% se considèrent comme musulmans, 6% protestants, 3% catholiques et 2% hindous. La répartition de ces groupes religieux n’est pas homogène : l’île de Bali compte une majorité d’hindous quand la province d’Aceh, au nord de l’île de Sumatra, compte 98% de musulmans. Aceh est la seule région du pays où la charia est appliquée en plus des règles civiles par les autorités locales, ce qui se traduit par l’interdiction de la vente d’alcool, des jeux d’argent, et des restrictions concernant les tenues vestimentaires. Si de nombreuses organisations s’inquiètent du durcissement de certaines de ces dispositions à Aceh, il s’agit d’un cas tout à fait particulier en Indonésie.

L’État indonésien reconnaît officiellement six religions : l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme, le bouddhisme, et le confucianisme. Depuis 2015, la mention de la religion n’est plus obligatoire sur les papiers d’identité – depuis les années 1960 elle l’était, et devait servir à repérer « les communistes » via leur supposé athéisme.

C’est un chrétien, Basuki Tjahaja Purnama, surnommé « Ahok », qui a été élu à la tête de la capitale indonésienne en 2012. Il était d’ailleurs le favori à sa propre succession jusqu’à l’automne 2016. En septembre, Ahok a cité un verset du Coran durant un de ses meetings. Il l’aurait utilisé de façon ironique puisqu’il concernait les juifs et les chrétiens. Une vidéo, devenue virale sur les réseaux sociaux, prête au gouverneur des propos jugés blasphématoires. En novembre et en décembre, des manifestations réunissent entre 10 000 et 50 000 militants islamistes réclament l’emprisonnement d’Ahok, et la démission du président Joko Widodo qui soutient sa candidature. Un procès public est en cours. L’actuel gouverneur n’a pas réuni la large majorité qu’il pouvait espérer au premier tour, il est désormais en ballotage. Le jour du premier tour de l’élection, mi-février, une prière contre l’élection d’un candidat non-musulman (Ahok était le seul à ne pas l’être) a réuni quelque 100 000 fidèles à Jakarta, une ville qui compte près de 7 millions d’habitants au total.

Une fatwa contre les fausses informations

Ahok est aussi issu d’une famille d’origine chinoise, comme 2% des habitants du pays seulement. Il appartient donc à une minorité ethnique en plus d’une minorité religieuse. Cela n’est pas sans incidence sur les votes puisque les Chinois sont au cœur de nombreuses rumeurs : des millions d’ouvriers prêts à arriver en Indonésie spécialement pour voter pour Ahok, président indonésien agent de Pékin, nouveaux billets qui ressemblent trop aux yuans chinois. La situation est telle que le gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation officielle. Les religieux ne sont pas en reste. Le conseil des oulémas d’Indonésie a publié une fatwa – un avis juridique – contre la diffusion de ces « fake news » (fausses informations), qu’ils accusent d’attiser les tensions dans le pays.

Le deuxième tour du scrutin pour élire le gouverneur de Jakarta aura lieu mi-avril. Cette élection est réputée être un excellent tremplin pour tout homme politique indonésien à l’ambition présidentielle. Ahok, qui a réuni environ 44% des suffrages au premier tour, sera face à un candidat indépendant, ancien ministre de l’Éducation, Anies Baswedan, qui avait obtenu un score de 39%. La tension est telle que des analystes estiment que c’est désormais la tolérance religieuse qui est désormais l’enjeu principal de cette élection.


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